Allons dans le grand vent de l’Esprit !
Méditations inspirées par le Veni Creator
Viens, Esprit créateur nous visiter,
Viens éclairer l’âme de tes fils,
Emplis nos cœurs de grâce et de lumière,
Toi qui créas toute chose avec amour.
Au milieu de la nuit, un cri se fait entendre. Voici ! Un petit d’homme vient à la vie. L’air entre dans ses poumons pour la première fois. Il respire ! Et au soir de sa vie, il rendra son dernier souffle. Il le remettra à son Créateur, qui le lui a donné, gratuitement. Mais la vie ne se limite pas à une période entre la naissance et la mort. Tout a commencé avant la fondation du monde. Tu existais déjà dans le cœur de Dieu.
Puis il t’a créé, par amour, à son image. Aujourd’hui, il t’aime et il te donne de pouvoir vivre. Mais il t’appelle à une vie plus grande. Il t’appelle à la vie éternelle. Par le baptême, nous naissons à la vie divine. À l’âge de deux ans, j’ai été baptisée, je suis née une seconde fois. J’ai reçu le Don de Dieu, l’Esprit saint en personne. Il fait de chaque baptisé son enfant, capable de lui dire Abba, Père. Cette invocation, jaillissant du plus profond de notre cœur, dit notre lien le plus intime avec Dieu. Alors, que tu sois inquiet, malade ou dans la paix, écoute l’Esprit saint te murmurer à l’oreille : Viens vers le Père.
Laisse-toi conduire par le souffle de Vie qui crie en toi : Père ! Fais de ce cri un appel, une plainte, une louange, une action de grâce. Alors cet appel se fera prière. La prière humble et confiante de l’enfant qui se sait aimé de son Père et attend tout de lui. Tu entreras dans l’espérance de la vie bienheureuse promise par notre Père qui est aux cieux. Aujourd’hui, je vous propose ce petit exercice spirituel : à chaque instant, tout au long de la journée, quand vous y pensez, tournez-vous vers le Père et dites-lui « Abba Père », avec l’enthousiasme et l’émerveillement d’un enfant qui court vers son père !
Sr Marie-Vianney
Toi le Don, l’envoyé du Dieu Très-Haut,
Tu t’es fait pour nous le Défenseur,
Tu es l’Amour, le Feu, la source vive,
Force et douceur de la grâce du Seigneur.
Merveilleuse sagesse de mon corps qui respire tout seul, sans que j’aie à y penser ! Vous est-il déjà arrivé, en tendant bien l’oreille, d’entendre monter une plainte, des sanglots du fin fond de vous-même ? C’est votre âme qui cherche son souffle : « De l’air ! Ouvre en grand, laisse entrer le souffle ! »
La prière, c’est la respiration de l’âme. Depuis quand n’ai-je pas vraiment prié ? Par pitié pour notre âme, prions, respirons profondément l’Esprit saint. Mon souffle est mon bien le plus vital et le plus personnel. Si je suis attentive à ma respiration, je descendrai à l’intime de moi-même dans un profond recueillement. Je me rendrai présente à l’Esprit Saint, le Paraclet, au divin consolateur, source permanente de paix et de réconfort. Invitons le souffle de Dieu à nous envahir, à faire en nous sa demeure. C’est un Esprit de paix, de douceur et d’intimité.
Nous cherchons l’intimité avec Dieu, cette intimité absolue, ce lieu de repos au plus profond de l’âme. Là se trouvent la confiance et l’abandon, la paix promise par Jésus. L’Esprit Saint que nous aimons chanter avec le Veni Creator, nous révèle un Dieu mystérieux. Il est à la fois puissance absolue (le grand vent de Pentecôte)* et tendresse infinie (la brise légère perçue par Élie)**. Comme notre respiration, il est mouvement incessant et calme permanent. Dans le silence, cet ami incomparable nous enseignera à prier le Père en toute confiance : il fera jaillir notre louange.
Sr Marie-Dominique
Donne-nous les sept dons de ton amour,
Toi le doigt qui œuvre au Nom du Père,
Toi dont il nous promit le règne et la venue,
Toi qui inspires nos langues pour chanter.
Le souffle de vie que Dieu a insufflé à l’homme, j’aime le lui rendre à ma façon. Quand les mots ne suffisent plus à la prière, je prends mon hautbois, et souffle dedans. C’est parti ! La puissance devient son, son puissant. Il suffit de m’assurer que je ne sois pas trop près d’une sœur qui voudrait étudier, prier en silence ou se concentrer sur de la compta.
Ce son, simple vibration de l’air, devient prière. Il franchit la distance entre la créature et son Créateur. Mon instrument n’est qu’un bout de bois. À travers lui et avec mon corps, j’exprime le trop-plein de mon âme. Voilà bien, me dis-je alors, le rôle de l’Esprit saint ! Regardez mon hautbois : à quoi peut-il servir ? Mais prenez-le, donnez-lui votre souffle. Tout change ! Il en est de même pour la prière. Sans l’Esprit saint, rien ne se passe. Mais laissez-le venir, doucement, discrètement, mais sûrement. Il est d’une délicatesse extrême et le meilleur des instrumentistes.
Alors, tout change. L’Esprit saint fait jaillir en nous la prière. Aujourd’hui, nous fêtons saint Joseph. Il a su se rendre disponible aux inspirations de l’Esprit saint. Laissons-nous remplir du souffle de cet Esprit pour devenir nous-mêmes instruments vivants pour notre Dieu. Et, pourquoi pas, souffler dans une trompette ou une flûte ? Alors le souffle de l’Esprit diffusera sa lumière en nos esprits et son amour en nos cœurs.
Sr Clara de l’Annonciation
Mets en nous ta clarté, embrase-nous,
En nos cœurs, répands l’amour du Père,
Viens fortifier nos corps dans leur faiblesse,
Et donne-nous ta vigueur éternelle.
La prière est cette grande respiration pleine de Dieu. Notre système musculaire reçoit l’oxygène dont il a besoin ; ainsi la vie de notre âme : du contact avec Dieu, elle reçoit lumière et charité. Chaque jour, de multiples tâches nous happent : nous connaissons la dispersion, l’éparpillement, l’agitation ; le souci de l’efficacité peut nous gagner. Prenons le temps de nous arrêter, de respirer, d’élever notre cœur vers Dieu. Il est là, présent. Il nous attend ! Quoi qu’on en pense, dans nos monastères, les journées sont bien remplies.
Chargée de l’accueil, je fais tout pour bien recevoir nos hôtes. Ce service demande énergie, disponibilité et tonus. Plusieurs fois par jour, la cloche sonne pour donner la première place au Seigneur. Toutes nos activités cessent pour les offices célébrés en commun ou la prière personnelle silencieuse. Alors, je laisse le Seigneur me visiter en profondeur, comme l’air dans mes poumons. Il me revêt de sa lumière pour le connaître, me pénètre de sa charité pour aimer mes sœurs et ceux que je reçois à l’accueil.
Prier : se laisser habiter par Dieu pour qu’il imprime sa marque en moi, pour lui ressembler comme deux amis qui se fréquentent, s’apprécient, s’écoutent. Dieu demeure présent tout au long du jour ; par la prière, je prends le temps d’accueillir sa présence. Chacun de nous peut faire cette expérience incroyable qu’après un temps de prière, même court, Dieu m’accompagne quand je reprends mes activités. Avec lui je marche pleine de force, renouvelée dans la confiance et la paix.
Sr Théophane-Marie de Nazareth
Chasse au loin l’ennemi qui nous menace,
Hâte-toi de nous donner la paix,
Afin que nous marchions sous ta conduite,
Et que nos vies soient lavées de tout péché.
À chaque respiration, mes poumons aspirent l’oxygène qui me donne de l’énergie, puis j’expire pour chasser l’air appauvri et souillé. Ce double mouvement, si naturel à mon corps, est parfois bien laborieux quand il s’agit de mon âme. Alors je demande à l’Esprit Saint de chasser loin de moi ce qui m’encombre. Comme le mistral qui souffle souvent autour de notre monastère chasse les nuages et ramène le beau temps, ainsi le souffle de l’Esprit purifie l’âme. Osons lui ouvrir tout grand les portes de notre cœur.
Laissons l’Esprit Saint aérer les recoins les plus secrets de notre âme, même ceux que nous voudrions tenir cachés – et surtout ceux-là. Aucune misère n’est trop noire pour être guérie par son infinie miséricorde. À chaque étape de ma vie religieuse dominicaine, j’ai demandé la miséricorde de Dieu et celle de mes sœurs.
Chaque jour en communauté, je découvre comment le pardon demandé et reçu m’ouvre un chemin de paix et de joie. Le carême est le temps de la conversion. Poussés par l’Esprit, osons changer notre vie. N’ayons pas peur, par exemple, d’aller nous confesser. Alors notre cœur redeviendra aussi pur que les grands ciels bleus de Provence. Nous pourrons contempler dans la paix le Dieu Père, Fils et Esprit Saint, qui veut faire en nous sa demeure.
Sr Anne-Catherine de l’Eglise
« Fais-nous voir le visage du Très-Haut,
Et révèle-nous celui du Fils,
Et toi l’Esprit commun qui les rassemble,
Viens en nos cœurs, qu’à jamais nous croyions en toi. »
Moïse, Moïse ! L’Esprit nous appelle nous aussi par notre nom pour nous conduire sur une terre sainte, celle de notre cœur. Chaque jour, l’Esprit nous pousse à y trouver sa présence. Une condition : tout quitter, retirer nos sandales et oser pénétrer ce lieu, plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes. Acceptons-nous, comme Moïse, de répondre : « Me voici ! » ?
Là, l’Esprit nous fait connaître Dieu le Père et nous apprend aussi le Fils. Là, nous recueillons l’eau de la vie pour arroser la terre parfois ingrate de notre cœur. Je l’expérimente au quotidien dans le jardin du monastère. Il me faut patiemment bêcher, retourner cette terre aride pour que l’Esprit l’ensemence. Mais j’en ai l’assurance, elle portera du fruit en son temps. Et le plus beau de ces fruits est de connaître et aimer Dieu. Je vous invite à me rejoindre près de Moïse dans le désert. Fermons les yeux un instant. Du haut d’une dune, émerveillons-nous du vent qui transforme et façonne le paysage. Regardons le firmament étoilé. La création ne nous conduit-elle pas au Créateur ?
Dieu amour qui s’aime en lui-même et qui nous aime. Par l’émerveillement, entrons en relation avec lui ! Par la beauté de sa création, tenons-nous en la présence de Dieu. Laissons le souffle de l’Esprit pénétrer le souffle fragile de notre amour. Il le fortifie, l’éduque, l’élève, l’unit à l’amour même de Dieu jusqu’à n’être qu’un avec lui. Que le grand vent du désert, le vent qui guida Moïse, nous pousse sur le chemin. Allons dans le grand vent !
Sr Maguelone