Sainte Marie Madeleine dans la Tradition de l’Église
Sainte Marie Madeleine dans la Tradition de l’Église

Sainte Marie Madeleine dans la Tradition de l’Église

Marie-Madeleine dans la Tradition de l’Église

 

Cet article a vu le jour en terre magdaléenne, à Saint-Maximin-la-Sainte-Baume. Lorsque le voyageur s’approche de la ville, il est surpris de voir se détacher dans le ciel bleu de Provence un édifice de 73 mètres de longueur, 43 de largeur et 29 de hauteur : la basilique, le plus vaste édifice gothique de Provence. Charles II d’Anjou la fit édifier après la découverte de sarcophages des premiers siècles et la reconnaissance officielle des reliques de sainte Marie-Madeleine en 1281. Sa crypte abrite toujours les reliques de la sainte. La vie, en ce lieu, est toute imprégnée de sa présence. Elle veille sur nous et nous encourage à l’imiter. Nous sommes témoins des nombreuses grâces de conversion et de miséricorde que reçoivent les pèlerins, voire même les touristes. La tradition nous relate que peu de temps après la Résurrection, Marie-Madeleine embarque avec d’autres chrétiens de la toute première génération (dont son frère Lazare et sa sœur Marthe) pour l’Occident et ils arrivent aux Saintes-Maries-de-la-Mer. Marie-Madeleine accompagne Lazare à Marseille. Elle continue son chemin en suivant le cours de l’Huveaune et vient s’établir à la Sainte-Baume pour y passer les trente dernières années de sa vie, dans la pénitence et la contemplation. Alors, ici, le cœur l’emporte et nous nous rattachons tout naturellement à cette antique tradition confirmée par le pape saint Grégoire le Grand (VIème siècle), selon laquelle l’Église a vu dans la pécheresse pardonnée et Marie de Béthanie une seule et unique femme : Marie-Madeleine, Marie de Magdala, témoin de la Résurrection et apôtre des apôtres. Nous n’ignorons pas les débats et la thèse de trois femmes différentes apparue en exégèse au XVIème siècle, qui est maintenant majoritaire dans l’Église latine. L’Orient, lui, a toujours célébré trois fêtes distinctes. Mais de solides arguments soutiennent aussi l’unité du personnage et cette unité a irrigué la liturgie, la dévotion et l’art de l’Occident durant tant de siècles. La Madeleine médiévale unit ainsi l’image de la pénitente et celle de l’apôtre, l’image de l’âme en quête de Dieu et celle de l’évangélisatrice. Aussi, c’est par le cœur que nous vous invitons à mieux découvrir le véritable visage de sainte Marie-Madeleine. Qui est-elle ?

Une femme pécheresse pardonnée.

L’évangéliste Luc nous relate cette scène tout à fait surprenante (Lc 7, 36-50). Jésus s’est invité chez Simon le pharisien pour le repas. Arrive une femme connue comme une pécheresse, avec une vie facile peu soucieuse de respecter la Loi. Tout lui réussit mais pourtant elle n’est pas comblée. Elle a entendu Jésus dans sa prédication en Galilée. Peut-être a-t-elle été ébranlée et invitée à regarder en face le vide de son cœur ? Elle l’a entendu dire qu’il est venu inviter les pécheurs au repentir. Alors elle ose : elle entre dans la salle du banquet et se place aux pieds de Jésus : c’est le lieu de Marie. « Partout nous la voyons aux pieds sacrés de Jésus : c’est son séjour et son partage ; c’est son amour et sa conversation, c’est sa marque et sa différence dans la grâce. » (Cardinal de Bérulle, Élévation sur sainte Madeleine)

Une femme à la suite du Christ. Luc expose rapidement les conséquences de cette rencontre (Lc 8, 1-3). Jésus chemine, prêchant et annonçant le règne de Dieu. Des disciples le suivent ainsi qu’un groupe de femmes qui avaient été guéries d’esprits mauvais et de maladies. Parmi celles-ci Marie-Madeleine, de laquelle étaient sortis sept démons. Elle s’attache aux pieds de Jésus : elle le suit dans sa pérégrination, l’écoute dans son enseignement et est témoin de sa puissance salvifique. Par son soutien généreux et son service fidèle, elle lui témoigne sa reconnaissance.

Une femme contemplative.

« Arrêtez, connaissez que moi je suis Dieu ! » (Ps 46 (45),11) Marie Madeleine, la première à courir, sait s’arrêter net devant le Vivant, depuis ce jour où le Christ l’a délivrée du mal. Elle contemple son Dieu, son Créateur, son Sauveur. Elle a choisi la meilleure part. Dans la demeure de Béthanie se trouvait la source même de la Vie. « Marthe était une image du présent, Marie de l’avenir. Nous sommes à ce que faisait Marthe, nous espérons ce que faisait Marie. Faisons bien l’un pour posséder l’autre pleinement. » (S. Augustin, Sermon CIV)

Une femme amie du Seigneur.

« Jésus aimait Marthe et sa sœur et Lazare. » (Jn 11,5). Marie, par la force de l’amitié, obtient de Jésus qu’il ressuscite son frère. Lorsque Jésus vit Marie pleurer, il frémit en son esprit et se troubla. Il pleura et s’écria d’une voix forte : « Lazare, viens dehors ! » (cf. Jn 11). « C’est un trait de l’amitié que de se réjouir de la présence de son ami, de trouver sa joie dans ses paroles et dans ses gestes, de chercher en lui réconfort en face de tous les sujets d’inquiétude ; aussi dans les moments de tristesse, cherche-t-on refuge surtout près des amis, dans l’espoir d’être consolé. » (S. Thomas d’Aquin, Somme contre les Gentils IV, 22) Quelques jours avant sa Pâque, à Béthanie, c’est Marie, l’amie fidèle, qui sera pour Jésus source de réconfort (cf. Jn 12).

Une femme qui se donne sans compter.

Dans l’onction de Béthanie, Marie-Madeleine se donne tout entière, à travers le geste du parfum de grand prix qu’elle verse sur le Christ. Elle « brise le flacon » (Mc 14,3) car son don est total, excessif et irréversible. Et « la maison s’emplit de la senteur du parfum » (Jn 12,3). De même, aujourd’hui encore toute l’Église s’emplit de la bonne odeur de la contemplation des âmes qui s’offrent à Dieu car, nous dit l’Apocalypse, « les parfums sont les prières des saints » (Ap 5,8). Face aux critiques, Jésus fait l’éloge de Marie-Madeleine : « En vérité… partout où sera proclamé l’Evangile… on redira aussi, à sa mémoire, ce qu’elle vient de faire. » (Mc 14,9) On peut voir dans ces mots le Magnificat de Marie-Madeleine, en écho à celui de la Vierge Marie qui chantait : « Désormais tous les âges me diront bienheureuse » (Lc 1,48). L’une s’est donnée totalement en accueillant la parole de l’ange, l’autre, à son tour, en offrant son parfum, prononce son propre Fiat par lequel elle se donne totalement au Seigneur.

Une femme forte dans l’épreuve.

Après le Fiat et le Magnificat, le Stabat de la Vierge devient aussi celui de Marie-Madeleine, femmes douloureuses mais debout à l’heure de la grande épreuve. En accompagnant Jésus dans sa mort et son ensevelissement, Marie-Madeleine et les saintes femmes se préparent à leur insu à devenir les premiers témoins de sa résurrection, par leur fidélité au moment où l’obscurité recouvre toute la terre. Marie-Madeleine n’est pas seule : elle se tient dans la communauté des « femmes qui accompagnaient Jésus depuis la Galilée » (Lc 23,49). Forte dans l’épreuve en raison de son grand amour, elle entraîne les autres dans l’élan de son espérance, de même qu’en retour, elle puise sa force dans la communion vécue au sein de l’Église naissante. L’Apôtre des Apôtres nous montre ainsi comment vivre en Église la force de l’espérance à travers les épreuves.

Une femme fidèle jusqu’au bout.

En Matthieu (27, 61), « Marie est assise face au sépulcre » dans l’attente, l’espérance et la fidélité. Le pire est arrivé, tout semble fini. Serait-ce là le but, le port ? Et pourtant elle demeure là. Alors que plus rien ne semble possible, Marie est assise dans l’attente, l’assurance que quelque chose arrivera. Elle attend le meilleur et cette attente est déjà le meilleur, car elle est foi et amour, foi en celui qui ne déçoit pas parce qu’il est l’Amour. Quelle belle audace !

Une femme chercheuse de Dieu.

Mais il y a aussi les larmes de la douleur face à la réalité. Plus de pierre, elle est roulée. Jean nous montre Marie « se penchant vers l’intérieur du tombeau » (Jn 21, 11). Pour voir… que Jésus n’est plus là ! Que faire ? Chercher ! Elle se lève, elle court, se tourne, se retourne. « Oubliant le chemin parcouru, je vais droit de l’avant, tendu de tout mon être, et je cours vers le but… » (Ph 3, 13-14). Son but, c’est le Seigneur. « Elle ne veut que Lui mais elle le veut » ! (Père Lagrange, L’Évangile de Jésus-Christ). Et c’est la rencontre ! Son désir indicible de retrouver son Seigneur se réalise. En le reconnaissant, Marie se jette à ses pieds pour les arroser de larmes à nouveau. Ce ne sont plus des larmes de repentir mais de la joie des retrouvailles. Pourtant, Jésus repousse ce geste. « Ne me retiens pas » ! (Jn 20, 17). Il semble vouloir purifier et faire grandir le désir de Marie. Elle doit le laisser retourner vers le Père pour accomplir sa mission. Il l’invite à l’aimer d’un amour plus grand, et à le chercher encore. Marie peut faire siennes les paroles de S. Paul : « je poursuis ma course, ayant été saisi moi-même » (Ph 3, 12). N’est-ce pas ce désir, déjà illuminé mais toujours inassouvi, qui lui fera prendre la mer jusqu’à un nouveau port et une nouvelle grotte « creusée dans le roc » où elle attendra, déjà en présence de son Seigneur, de le voir face à face ?

Une femme Apôtre des Apôtres.

Marie-Madeleine a été choisie pour être la messagère de la Résurrection, et c’est ainsi qu’elle devient l’Apôtre des Apôtres, selon l’expression de S. Hippolyte de Rome (IIIème siècle). Le Ressuscité lui dit : « Va trouver mes frères et dis-leur : je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » (Jn 20, 17) Elle court vers les disciples pour répandre à nouveau un parfum d’une valeur inestimable, le parfum de l’Évangile, la bonne odeur du Christ. La femme de Magdala peut être considérée comme la patronne et le modèle de tous les missionnaires de l’Évangile. Rien d’étonnant, alors, à ce que les Ordres mendiants nés au XIIIème siècle et voués à la prédication, les Franciscains et les Dominicains, se soient attachés à Marie-Madeleine et lui aient témoigné une prédilection durable. S. Thomas d’Aquin ira même jusqu’à célébrer Marie-Madeleine comme celle qui partage le privilège de tous ceux qui annoncent : les prophètes, les anges et les apôtres ! (cf. S. Thomas, Commentaire sur l’Évangile de Jean, XX 2519). Le pape François s’inscrit dans cette ligne en élevant la mémoire du 22 juillet au degré de fête, au même titre que les douze Apôtres.

Une femme choisie par les plus grands saints.

La figure unifiée de Marie-Madeleine est celle qui a conquis le cœur des saints : Ste Catherine de Sienne et S. Charles de Foucauld l’ont chacun considérée comme leur mère. De S. Augustin au Père Vayssière, en passant par S. Grégoire le Grand, Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus ou le B. Père Lataste : innombrables sont les amis de Dieu qui sont aussi des amis de Marie-Madeleine, car le témoignage de sa vie résonne comme un puissant appel à la sainteté. Quel plus grand éloge pouvait lui faire Ste Thérèse de l’Enfant-Jésus en écrivant à l’abbé Bellière : « Je sens que son cœur a compris les abîmes d’amour et de miséricorde du Cœur de Jésus… » ! (LT247)

Marie-Madeleine a connu Jésus et c’était il y a 2000 ans, nous pouvons légitimement nous interroger : « Qu’a-t-elle encore à nous dire à vingt siècles de distance ? Permettez-moi de souligner l’actualité de son message. Message de conversion, de compassion, d’évangélisation.

  • De conversion, car notre monde est en attente d’un retournement spirituel. Il est en attente du Christ,

  • De compassion, car notre monde est blessé,

  • D’évangélisation, puisque nous sommes les témoins d’une Parole de vie et de salut qui, ayant saisi nos existences, les mobilise pour la Mission de l’Église. » (Mgr Dominique Rey)

Que nous ayons une, deux ou trois femmes qui intercèdent pour nous, puisse le Seigneur Ressuscité nous donner ce même attachement sans partage à sa Personne et une foi toujours plus vive en son Mystère pascal, qui nous pousse à l’annoncer à temps et à contretemps !

Les moniales dominicaines de Saint-Maximin

(Monastère Sainte-Marie-Madeleine)